DIAMANT TENDRE – Résidence d’Amélie Dumoulin
Cofondatrice de la compagnie Joe Jack et John, Amélie Dumoulin a participé à l’écriture de Quand j’étais un animal, Go Shopping, Ce soir l’Amérique, Mimi et Violette. Elle collabore comme dramaturge avec d’autres compagnies comme Des mots d’la dynamite et le Petit théâtre de Sherbrooke. Elle possède une maîtrise en mise en scène de l’UQAM et enseigne aux Muses, un centre des arts de la scène pour artistes professionnels en situation de handicap. Avec DIAMANT TENDRE, elle souhaitait explorer le dispositif sonore et scénique d’un projet de spectacle in situ. (En résidence au Cube du 14 au 21 décembre 2022.)
JOURNAL DE BORD
Mercredi 14 décembre 2022
Montage avec fantastique Étienne. Finalement, on pose l’écran Pink Floyd (le grand).
Peur de tomber en amour avec cet écran. Peur de me laisser séduire par cette bête lumineuse, ou peut-être juste par l’ensemble du théâtre et de m’abandonner à l’entropie : c’est plus facile, plus beau, plus chaud, en dedans, et de me dire finalement « fuck l’in situ » !
Visite du quartier et captation vidéo. J’ai repéré deux spots le fun, où il y a assez de circulation pour que ce soit intéressant pour Lou.
Préparation du matériel et de la répétition avec Lou.
Discussion avec DT Étienne à propos de la faisabilité du projet in situ, et des enjeux techniques qui s’y rattachent. En gros, au-delà des défis logistiques, le principal défi serait d’envoyer individuellement du son dans les oreilles de 200 personnes (mettons).
Arrivée de Lou, visite des lieux.
Première improvisation/captation sonore in situ au coin De Lorimier et Laurier.
- Décris-moi ce que tu vois, comme si j’étais aveugle.
- Attends quelqu’un qui n’arrive pas (introspectif).
Constats : pour la partie plus introspective « dans la tête », Lou doit aussi porter des écouteurs pour s’entendre. Fa frette et ça prend un minimum pour écrire et poser notre matériel.
En salle : impros sur les captations vidéo. On applique deux « filtres » :
- Écoanxieux : regarde tout ce que tu vois comme une grande face hypocrite à l’égard de la nature et de la survie de la planète.
- Raconte la vie de chaque personne qui traverse l’écran.
Je m’essaye au micro. Mon monologue intérieur est plus hachuré et plus sonore que celui de Lou.
Impro sur de la musique et le texte « Je suis un chef-d’œuvre » que je lui demande d’apprendre par cœur.
Jeudi 15 décembre 2022
Croissants avec Martin Boisclair et l’équipe du Clou.
Rencontre Bougie d’allumage avec Marie-Christine Lesage.
- Le terme « flux intérieur »
- Paradoxe de l’adolescence : on veut se singulariser et en même temps se conformer.
- Proposition in situ : « Même quand il ne se passe rien, il se passe quelque chose, c’est beau, ne pas forcer. »Importance des silences, dramaturgie du paysage, induire.
Repérage dans le quartier et captation vidéo en vue de la répétition du soir.
Problème de logistique de transport. Lou est super en retard, je dois aller la chercher au métro Rosemont, trafic, la répétition sera écourté. L’aspect « maternel » de ce projet m’énerve !
Impros en salle sur projection : Lou exerce le ton de l’intimité. Elle parle comme si elle avait accès aux pensées des gens, on joue également le filtre « divinatoire ». Je m’essaye au micro en improvisation pour synchroniser nos jeux et nos imaginaires.
Samedi 17 décembre 2022
Belle journée neigeuse. On commence par une captation sonore et vidéo extérieure, sous une porte cochère, au coin Laurier/Papineau. Dans une des improvisations in situ, je demande à Lou qu’elle applique le filtre de « je me déteste ». C’est assez rude ce qui sort de sa bouche, et en même temps, ça me permet de toucher un peu l’univers souterrain des questions amoureuses chez les ados. Je commence aussi à lui donner des contraintes en impros : des petites histoires qu’elle doit « ploguer » durant qu’elle parle. Je teste sa capacité à s’adapter à ça.
Retour en salle. Travail sur captation vidéo. On applique à nouveau le filtre « je me déteste ». Je vais aussi au micro pour l’essayer. Lou trouve que mon personnage est beaucoup plus dur avec elle-même que le sien.
On termine avec un tarot à Lou, son premier, à vie.
Dimanche 18 décembre 2022
J’arrive plus tôt pour être seule en salle et avancer le journal et planifier ma répétition, et peut-être aussi pour digérer la mauvaise nouvelle et bouder dans mon petit coin : on n’a pas la bourse du CALQ pour le projet. Je suis dégoûtée.
Impros en salle sur projection : Lou applique le filtre « divination » : si la prochaine voiture rouge que je vois passe dans ce sens-là, ça va vouloir dire qu » il m’aime.
J’essaye de lui imposer quelques « perles » à repiquer dans le flot de la projection. Approfondir les capacités de Lou en improvisation.
Extérieur : Lou et moi allons enregistrer une vidéo de la rue Mont-Royal coin Chabot. Énormément de passants.
Lundi 19 décembre 2022
Arrivée de Frédéric Auger : thé chai et rétrospective du processus.
Sortie coin Laurier/Papineau pour une nouvelle captation sonore extérieure. Contrainte : faire apparaître le jeune homme qu’elle attend, en dessiner, par la parole, les contours. Ça reste encore sommaire, à retravailler. Aussi, Lou est intimidée par la présence nouvelle de Fred.
Retour en salle. Travail sur captation vidéo : la vidéo que Lou et moi avons tournée la veille. Appliquer le filtre télékinésie : tenter de faire apparaître des choses, modifier le cours du réel, réalisme magique. Lou a de très belles images. Ensuite : tenter d’appliquer le texte « Je suis un chef-d’œuvre » en situation d’interprétation, encore là, Lou score pas mal fort. Je remarque aussi que, sans que je ne lui aie jamais vraiment donné des indications de jeu, son ton est de plus en plus juste, intime et vrai.
Mardi 20 décembre 2022
Travail dramaturgique : dégager quelques phrases pour travailler avec ce soir.
Sortie extérieure pour captation sonore et vidéo avec Lou et Fred, coin Laurier et Chambord.
Je demande à Lou d’incarner un personnage plus agressif, légèrement parano. Lou se défoule un maximum. La colère lui fait du bien.
Retour en salle. Improvisations sur captation vidéo. Lou doit intégrer dans son impro des phrases du document préparé plus tôt en après-midi, elle doit intégrer aussi le texte « Je suis un chef-d’œuvre » et la chanson « Dominique ». Fred commence à intervenir avec des sons et de la musique durant les impros, de façon presque subliminale. C’est magnifique !
Discussion à trois pour savoir comment on va procéder à « l’enchainement » demain. On convient d’en faire deux sur une captation de 20 minutes et de poser des feuilles au sol avec les différentes actions et phrases que Lou devra intégrer à son improvisation.
Mercredi 21 décembre 2022
Je sors seule pour aller « tourner » le vidéo de 20 minutes qui servira aux enchainements du soir. Je trouve une « ruse » pour m’éloigner de la caméra ainsi les passants sont plus naturels dans l’image.
En salle : Préparation au premier enchainement, réchauffement et technique. On colle des feuilles au sol avec des phrases ou des intentions à « ploguer » durant l’enchainement.
Premier enchainement devant « public » : mon amie sculpteur Bénédicte, qui possède un atelier dans l’immeuble, vient assister.
Deux constats : 20 minutes d’impro, c’est long ! Imaginer une heure, ouf !
Lou a une voix beaucoup moins intimiste, trop théâtrale, elle est influencée par la présence du « public ».
Deuxième enchainement : Meilleure, Lou a une voix plus calme, plein de petites perles. Défi : apprendre à accepter le silence, dans 20 minutes d’enchainement, le silence fait du bien.
Démontage !
MERCI UN GROS MERCI AU CUBE ET AU CLOU XXXXXXXXXXXXXXX
