L’EAU E(S)T L’AIR – Résidence de François Bouvier

L’EAU E(S)T L’AIR – Résidence de François Bouvier

Artiste circassien, François profitait d’une résidence au Cube pour revisiter une performance in situ où les objets obtiennent de nouveaux rôles. Amorcée au festival Montréal Complètement Cirque l’an dernier, il souhaite faire dialoguer son projet avec le jeune public. (En résidence au Cube du 3 au 16 octobre 2022.)

 

JOURNAL DE BORD

 

Les trois premiers jours…

Les trois premiers jours sont une arrivée. J’installe quelques trucs dans l’espace, je filme, je regarde. Il ne se passe pas grand-chose. J’essaie quelques petites séquences, c’est très tranquille. J’ai quand même l’impression d’avancer.

Mercredi 5 octobre

Visite de Virginie en studio. Je lui présente ce que j’ai. Elle semble trouver la proposition inquiétante et demandante au niveau de l’attention. Elle propose d’ajouter une trame sonore. Par la suite, j’enchaînerai toujours avec de la musique devant les gens. De mon côté, je ne sais pas encore vraiment ce que je cherche. De son intervention, je retiens une nouvelle direction pour mes explorations : je cherche à créer des formes sympathiques avec les objets (je crée des cercles, des bulles, des colimaçons). La tension entre l’inquiétant et le rassurant reste présente pour le reste du travail de recherche.

Jeudi 6 octobre

Seb vient en studio et m’aide à réinvestir l’espace. Je lui montre ce que j’ai, il me donne des pistes physiques, nous parlons beaucoup de musique, il me propose Haruomi Hosono. Nous parlons de transformation. Il trouve aussi le début inquiétant. Nous travaillons techniquement à comprendre comment grimper la corde installée dans l’espace. J’écris un courriel à Marie-Christine en prévision de la rencontre du lendemain.

Vendredi 7 octobre

Fin de la première semaine : Marie-Christine vient visiter en studio. Je lui présente ce que j’ai : une installation dans l’espace, un parcours avec trois sacs de couchage, une trame sonore. Tout ça est en balbutiement. On parle en studio, elle me pose des questions et m’amène à réaliser où j’en suis dans le travail. Elle me débarrasse aussi d’une question qui m’empêche d’avancer (à qui s’adresse le spectacle ?). Pour l’instant, je dois me concentrer sur la recherche sans m’occuper du résultat et surtout sans me censurer d’avance.

Quelques notes de notre discussion :

Qu’est-ce que tu fais ? Quel est le sens de tes actions ?

– À regarder : Rêves de Fellini

– À explorer : une vie sonore, avec les zippers, les tissus et des micros

– C’est un langage qui s’invente en ce moment, la question du public viendra plus tard

– Pousser toutes les propositions contenues dans la séquence improvisée

– L’idée de transformation, de mue

– Le pli de Deleuze, l’intérieur qui est un extérieur en repli sur soi, le travail avec les surfaces.

– Le sac de couchage est comme une peau (notre peau est notre plus gros organe) : une membrane ?

– À regarder : Meg Stuart.

 

Lundi 10 octobre

Rencontre d’explicitation avec Julie Drouin. L’entrevue dure 1 h 30. C’est super intéressant. J’apprends à revivre un moment, je suis derrière la porte, je me cache et j’anime le sac de couchage dans une apparition. Il y a beaucoup de jeu de regard dans notre conversation : qui me regarde, qu’est-ce que moi je vois, qui j’imagine voir quel espace à quel moment, etc. On arrive à une conclusion intéressante : j’incarne quelque chose à l’extérieur de l’humain lors de mes improvisations. Plus tard, je m’intéresse à la tension inhérente à quelque chose qui n’est pas humain, mais qui est imaginé par un humain. Est-ce une projection ? Est-ce un rêve ? Je suis dans la recherche de ce que j’essaie de dire.

Jeudi 13 octobre

Peter vient en studio. Au début, c’est difficile. Je suis fatigué et je manque d’énergie, je sens que j’ai peur de faire face à la critique. J’enchaîne, et ça manque de vie. Le concept est là, mais il manque de ventre, il manque d’Éros, il manque de vie. D’abord, je ne sais pas où chercher pour trouver ce qu’il manque. Puis, on réamorce quelques impros. Ça sort alors à toute vitesse : le jeu s’anime et les idées d’actions se multiplient pendant les impros même et après lors de la discussion.

Quelques notes prises lors de la journée :

 À regarder : M. Hulot ; des histoires pour enfants qui font peur

– Une inquiétude présente, entre reconnaissance et non-reconnaissance du corps

– À regarder : le film BRAZIL des créateurs de Monty Python

– À regarder : Where the Wild Things Are

— Se cacher donne une permission : résonne avec la conclusion de l’interview d’explicitation : qu’est-ce que je suis ? Le non-humain. Fait aussi écho à la rencontre avec Marie-Christine, dans le sens de se donner la permission, pousser, plonger dans l’action. 

Vendredi 14 octobre

Très difficile de répéter en studio. Je n’arrive pas à improviser. Je me sens très seul et je me demande, si personne n’est là, de qui vais-je me cacher pour improviser? J’enregistre des poèmes de Saint-Denys Garneau pour ajouter à la trame sonore.

 

Samedi 15 octobre

Mélanie vient en studio. Je lui présente ce que j’ai. C’est la première fois que le pop-corn fonctionne pendant une impro. J’ai de la difficulté, mais j’arrive à retrouver le jeu. Après l’impro, elle me dit que mon début rappelle le Tardigrade. Je ne sais pas c’est quoi, mais plus tard, je ferai une recherche Google Image (illustration plus bas).. Quelques notes suite à notre conversation :

Le début en tant qu’humain a besoin de se développer, sinon on ne sait pas trop pourquoi ? — C’est drôle, c’est inquiétant, mais c’est aussi très doux comme proposition — l’odeur du pop-corn est envahissante à la fin (c’est bien) — dès l’entrée, l’espace est un terrain de jeu invitant — les textes peuvent être plus courts, ils tirent un peu la proposition vers eux (on se fait une histoire à partir du texte).

Lundi 17 octobre

Présentation devant petit public (d’adultes). J’ai ajouté un personnage de grand-mère pour effectuer les actions du début. J’ai joué avec la trame sonore pour rendre les textes plus courts et abstraits, et je priorise le jeu avant tout (je ne sais pas exactement ce que je vais faire, je me laisse l’espace de me surprendre moi-même). Seb est là avec moi en studio. Suite à la présentation, je me rends compte que j’ai un début solide pour un projet de création.

Artistes et invité·e·s durant la résidence :
– Virginie Daigle
– Peter James
– Sebastian Kann
– Mélanie Dumont, cellule artistique du Cube
– Marie-Christine Lesage, bougie d’allumage du Cube
– Julie Drouin, bougie d’allumage du Cube

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