Trop adulte : Triptyque pour la jeunesse - Résidence d'Emmelyne Octavie

𝗣𝗥𝗢𝗚𝗥𝗔𝗠𝗠𝗘 𝗜𝗡𝗧𝗘𝗥𝗡𝗔𝗧𝗜𝗢𝗡𝗔𝗟

L’autrice guyanaise Emmelyne Octavie était en résidence au Cube du 24 avril au18 juin 2023 pour travailler à l’écriture d’un triptyque théâtral intitulé : Trop adulte. Pour célébrer la présence de l’autrice à Montréal, Le Cube présentait une lecture de son travail en chantier le jeudi 15 juin 2023, à la Maison Théâtre.

Le texte a été lu par les interprètes : Rasha Abdallah, Maryline Chery, Benjamin Déziel, Emmanuelle Jimenez et Émilien Néron.

Emmelyne Octavie a été accueillie chez nous dans le cadre des résidences croisées et grâce à un partenariat avec le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Centre international de recherche, de création et d’animation de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, ainsi que Le Pôle, Scène conventionnée d’intérêt national, situé dans la commune de Le Revest-les-Eaux.

Trop adulte :
Triptyque pour
la jeunesse

Volet 1 — Pièce pour les enfants 

C’est l’anniversaire de Violette. Elle vient d’avoir huit ans et refuse de souffler sa bougie dans un monde devenu trop adulte à ses yeux. Elle aimerait demeurer une enfant éternellement. Débute alors un voyage initiatique durant lequel la Lune, grande protectrice des enfants dans le monde, l’emmène voir c’est quoi avoir huit ans dans d’autres continents. 

 

Volet 2 — Pièce pour les adolescents 

Une classe d’ados rentre dans un théâtre. C’est le jour du concours d’éloquence. Personne ne voulait y participer pourtant chacun à quelque chose à dire. Face à un jury d’adultes, ces jeunes sur qui on fait reposer le lourd héritage d’un futur déjà̀ mort à leurs yeux s’en lavent royalement les mains dans une prise de parole où ils ne veulent pas se projeter plus loin que midi ! 

 

Volet 3 — À la croisée des deux mondes 

Le voyage initiatique de la Lune à travers les continents prend fin dans ce théâtre parmi des adolescents jugés déjà beaucoup trop adultes par l’une des fillettes de huit ans qui rêvait d’en avoir douze. « Ils ne font que se plaindre et en plus ils n’articulent pas. Ils sont encore plus ennuyants que nos parents. » 

 

— Lune, on peut rentrer maintenant, huit ans c’est pas si mal dans le fond !

Extrait

Ambre enroule deux chaussettes pour se faire de faux-seins et les mets sous son tricot.

Violette : Là tu ressembles vraiment à une femme avec la tête d’une enfant ! Ça fait trop bizarre !
Ambre : C’est toi qui es bizarre !
Violette : Moi au moins, je suis pas pressée d’avoir tout ça !
Ambre : Tu connais rien du tout ! C’est trop cool d’avoir des seins !
Violette : C’est pas des seins que tu as ce sont des chaussettes !
Ambre : Je t’ai rien demandé !

Silence

Violette : Tu veux faire quoi plus tard ?
Ambre : Je veux être une adulte !
Violette : Mais c’est pas un métier !
Ambre : C’est pas grave ! Ce sera mon métier à moi alors ! Et toi ?
Violette : Je veux rester une enfant. C’est que ça que je veux faire plus tard. Rester une enfant. Une enfant vétérinaire. J’aurais une entreprise dans ma chambre qui va s’appeler « la passion des animaux » !
Ambre : Ennuyeux comme métier !
Violette : Comme ton métier d’adulte ! Y a rien du tout dedans ! C’est vide !

Bio

Emmelyne Octavie est une artiste guyanaise inclassable. Elle manie la plume et les mots. Auteure de poésie, de théâtre, de fictions, de chroniques, de chansons, elle est également interprète poétique et dramatique.

Née à Cayenne, elle commence à écrire à quinze ans comme on sait si bien le faire à cet âge-là, le soir, pour se venger d’un monde que l’on découvre pas à pas. Lauréate du prix Inédit d’Afrique et d’Outre-mer 2020 pour son texte Mère Prison, publié en 2021 chez Lansman Éditeur et actuellement en lice pour le Prix Sony Labou Tansi 2023. Emmelyne Octavie est lauréate du Prix SACD de la Dramaturgie Francophone 2022 pour son texte, À contre-courant, nos LARMES. Un texte qui a également reçu le Prix Jean-Jacques Lerrant aux Journées des Auteurs de Théâtre de Lyon et le Prix Jeanne Laurent des lycéens 2023.

L’auteure qui vient de signer son premier roman graphique, Un billet pour l’exil, au côté de l’illustrateur Samuel Figuière, poursuit sa route entre écriture et prestation scénique.