Photo : Michel Smith

La tendresse SAUVAGE – Résidence de recherche et de création de Les chemins errants

Programme
Interrégional

Avec le projet La tendresse SAUVAGE, la compagnie Les chemins errants souhaitait explorer une rencontre pétillante provoquée entre l’art vivant et l’installation, en NATURE. L’objectif de la résidence en trois temps était de trouver le chemin pour provoquer des rencontres sensorielles avec le végétal, l’animal, l’aérien… et le territoire, et créer des expériences relationnelles et intimes avec le VIVANT.

(En résidence au Théâtre La Rubrique du 27 novembre au 1er décembre 2023, au Cube du 6 au 10 mai 2024, puis au Petit théâtre de Sherbrooke du 2 au 6 décembre 2024.)

TRACES

La Tendresse SAUVAGE, c’est d’abord…
Un grand désir de se déposer dans le territoire.
Comme une rencontre géopoétique.
C’est ralentir, ressentir, entendre, sentir, goûter, frémir, pister, observer.
Infuser.

Au tout début, c’est une envie profonde de s’octroyer du temps.
Du temps lent, long, nécessaire.
De chercher. Longtemps.
De ne PAS créer un spectacle.

C’est devenir perméable aux paysages sonores, au tissu végétal de la forêt.
Aux présences furtives, minuscules, animales, invisibles.

Et faire un voeu ardent:
S’enforester.

Décembre.
Il fait moins dix dans les bras-conifères de la forêt du Saguenay.
Chaque matin, nous glissons nos traîneaux chargés de matières dans les méandres du boisé de la Garderie Nature.

Notre mission :
Capter la parole d’un bouleau blanc.
Concocter des potions de sapinage.
Fabriquer des nids d’asclépiade.
Avec nos appeaux, tisser des conversations insondables avec les volatiles.
Inventer des dispositifs d’attention accrue au vivant.

Au fil des jours, créer une sorte d’installation évolutive.
Y convier les enfants et leurs éducatrices.
Se frotter à leur lieu-refuge-extraordinaire, à leurs tentes-siestes-extérieures, à ses femmes dévouées, lumineuses, clairvoyantes, qui savent que les enfants se construisent à ciel ouvert, par un contact généreux à l’AIR LIBRE.

Observer les enfants se vautrer dans le velours de l’hiver.
Être épatés devant leur connaissance intime du territoire.

Le soir, rentrer à la maison.
Bouillir le squelette d’un chevreuil.
Faire sécher nos fatigues au coin du feu.
Écouter en boucle la Bear Song des Hey Babies.

Comment font-ils?
Les vivants de l’hiver?
Sur les écorces durcies des épinettes endormies?
Dans ce froid qui craque et dévore
Et ce vent qui frémit et soupire?

Comment font-elles?
Les petites mésanges à tête noire
Plus légères qu’un flocon?

Et les écureuils acrobates?
Et les renards solitaires?
Comment font-ils pour passer au travers de l’hiver?

Trois résidences.
Trois haltes-phares dans autant de territoires aux textures si distinctes.

Trois résidences, mais aussi des ENTRE-ESPACES, qui permettent…
Une respiration.

Comme une macération, où l’on peut déconstruire, questionner, remodeler.
Chercher encore.
Et échafauder une petite bibliothèque.

Dévorer les écrits de Baptiste Morizot, philosophe du vivant et des alliances inter-espèces.
Découvrir le travail de l’audio-naturaliste Marc Namblard, sa façon d’inviter l’enfance dans sa pratique.
Plonger dans les expériences commissariales de relation au vivant de Diane Borsato, dans Outdoor School.
Nouer de longues conversations avec Raphaëlle de Groot, comme une acte de permaculture artistique.

Quel privilège que celui du temps long.

Nuit noire de mai, blottis dans un morceau de forêt de Lanaudière.
Patients, immobiles, à l’affût, nous attendons.
Nous espérons entendre la chouette hulotte, capturer l’écho de son cri.
Nous nous endormons sous la toile de la yourte, rêvons que nous chevauchons le ciel à dos d’outardes.

Au matin, nous ratissons la forêt, rencontrons une horde de punks geais bleus, pics et corneilles.

Puis nous migrons.
Le soleil est doux, Montréal crépite.
Des sternes voltigent au-dessus de l’étang du Parc Angrignon.

Nous dessinons les pourtours d’un parcours.

Une première rencontre
une marche d’observation
une station d’écoute sonore
un portail
un banquet

Par l’intermédiaire des hydrophones de Thibaut, voir sous l’eau :
courants qui roucoulent, chants-nénuphars, marais qui digèrent, grenouilles qui s’acoquinent.

Puis poser un geste du prendre soin
prendre une respiration commune

S’immiscent parmi nous le regard attentif et les échanges féconds avec Gilles Abel et Marie-Christine Lesage.
C’est gai, c’est mai, ça commencer à germer.

De retour aux Îles, transformer cette récolte en campements poétiques parmi les enfants.

La nuit, je m’endors au milieu des vivants.
Souvent, j’entends mes frères les coyotes.
Mais je n’ai pas peur.
Ils savent que je suis là.
Je sais qu’ils sont là.
Et dans cette distance qui nous sépare,
Eux veillent, trottent, chantent, chassent
Pendant que moi je dors.
Et nous sommes reliés
Comme des fils d’araignées tendus sur la même branche
Mais qui jamais ne se touchent.

Décembre, encore.

Voler au-dessus du St-Laurent, atterrir sur le continent, prendre le volant.
Être happée par vent-flocons-blizzard, nuits-plus-longues-que-le-jour.
S’immiscer dans le cocon du studio du Petit Théâtre de Sherbrooke.

Vous retrouver.

Manon, avec tes tisanes végétales, tes textiles intrigants, ton envie de jouer, ta rigueur lumineuse.
Charlotte, avec toute la délicatesse des objets que tu façonnes et ces références inépuisables qui nourrissent le processus.
Véro, avec ce plaisir gourmand, celui de revisiter les mots avec toi, d’éclaircir la dramaturgie, d’amener du sens.
Thibaut, avec ta banque luxuriante de sons du vivant, ta fluidité dans la création.
Julie, avec ce qui est essentiel : se rappeler nos fragilités, et l’absolue nécessité de prendre soin.

Le soir, il y a toutes ces réflexions qui s’entretissent autour de la table.
Sur l’engagement, les forêts à défendre, les chants d’oiseaux qui s’éteignent, les sorcières militantes, nos surproductivités, nos précarités, et as-tu lu ce livre? et tu connais cette artiste? et tu as écouté ça?

Parce que c’est aussi ça.
Être ensemble 24h/24. Préparer nos déjeuners côte-à-côte. S’entasser dans la voiture. Pelleter, faire l’épicerie. Tremper dans la même eau.
Manger des mousses au chocolat. Ensemble.
J’aime être avec vous.

Au théâtre, et partout autour.

Ma mère est une forêt
ta mère aussi, c’est une forêt
nos mères sont des maisons où la pluie et le vent entrent
et il y a des invités, tout le temps

ma mère est gourmande
elle prépare des festins
petits fruits sève écorce champignons

ma mère a mille robes de feuilles et d’épines
ses bras sentent le sapin

ma mère est abris à tous les étages
terriers de fourmis
tanières d’ours
souches crevasses
troncs perchoirs
ma mère fabrique des nids pour ses filles les perdrix

ma mère a mille enfants
ma mère forêt est un banquet

La Tendresse SAUVAGE est un objet théâtral ultra-intimiste destiné à de micros-jauges de tout-petits de 3 à 6 ans et leurs adultes. Elle prendra la forme d’un parcours à ciel ouvert, dans lequel se côtoient la performance, l’installation et l’écologie sonore.

C’est avant tout une infusion géopoétique dans le territoire.
Comme une invitation au Grand Banquet du Vivant.

À cette table, on invite la parole des oiseaux, des écureuils, des abeilles.
Des écorces, des lichens, des champignons, des racines.
On convie la forêt, les friches, les rivières à nous raconter d’autres manières d’être vivant1.

Ensemble, nous nous demandons :
Où va la vie, quand elle meurt?
Peut-on encore s’enforester?

La première diffusion de La Tendresse SAUVAGE est prévue en mai 2025, à la Maison autochtone du Mont St-Hilaire, en partenariat avec l’Arrière-Scène, au Festival Petits Bonheurs de Montréal et dans plusieurs boisés de La Pocatière et sa région, en collaboration avec la Corporation de la Salle André–Gagnon.

1 Expression empruntée à Baptiste Morisot

Il y a BEAUCOUP d’humain.es et de travail invisible qui ont rendu possible cette résidence interrégionale.
À chacun de vous: MERCI.
L’ensemble de vos gestes permet permet de faire éclore La Tendresse SAUVAGE.

Merci Martin Boisclair et Marie-Luce Gervais au Cube + merci Alexandre Seers Provencheret Mélissa Turcotte au Théâtre Desjardins.
Merci Benoît Lagrandeur, Serge Lapierre, Maude Fortin et toute l’équipe du Théâtre La Rubrique.
Merci Carole Delort-Chatelain, Andréanne Deschênes, Érika Tremblay-Roy, Marilou Castonguay et toute l’équipe du Petit Théâtre de Sherbrooke et du Centre des Arts de la Scène Jean-Besré.
Merci Karine Gravel, ton équipe de formidables éducatrices et les enfants de la Garderie Nature de Saguenay.
Merci Chantal Beaudry, les éducatrices et les enfants du CPE Le P’tit Terminus.
Merci Michel Smith, Gilles Abel, Marie-Christine Lesage, Noémie Fortin, Amélie Lemay-Choquette, Patrick Pomerleau et l’équipe d’Audiotopie.
Merci Raphaëlle.
Merci Édith.
Merci Charlotte, Manon, Véronique, Thibaut, Julie & Alexandre.

 

Bilan de résidence rédigé par Karine Gaulin, directrice artistique de la compagnie Les chemins errants.

 

ÉQUIPE DE CRÉATION

IDÉATION : Karine Gaulin & Édith Beauséjour
MISE EN PARCOURS : Véronique Côté & Karine Gaulin
CONCEPTION SON, ÉCOLOGIE SONORE : Thibaut Quinchon
SCÉNOGRAPHIE, ACCESSOIRES ET SORCELLERIE VÉGÉTALE : Charlotte Gandin et Manon Guiraud
ÉBÉNISTE -PAYSAGISTE : Alexandre Maheux
CONSULTANTES : Sylvie Tourangeau & Raphaelle de Groot
AVEC : Julie Desrosiers et Karine Gaulin