Toujours Sans Nouvelles - Résidence de Michel Bellier

PROGRAMME
INTERNATIONAL

C’est l’histoire de deux enfants perdus. On ne sait pas où ils se sont perdus ni comment. Eux mêmes ne le savent pas. Ils sont seuls et n’ont même pas envie d’être là tous les deux. Pourtant, ils vont devoir partager cette solitude. Si loin des adultes, dans ce drôle de territoire.

Je veux parler de ces enfants qu’on abandonne ou qu’on oublie. Il suffit d’un regard ailleurs, ou d’une parole mal dite. Ils errent dans un monde fantôme de l’enfance. Un monde parallèle d’enfants rejetés. Une sorte de Neverland sans issue. Un monde qui n’est plus le nôtre. Parce qu’il était trop compliqué pour eux de grandir chez nous. Trop violent. Ils nous sont invisibles. Oui c’est ça, c’est l’histoire d’enfants devenus invisibles.

Michel Bellier était en résidence d’écriture au Cube, en mai et juin 2018, grâce à un partenariat avec le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Centre international de recherche, de création et d’animation de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon.

Son texte a fait l’objet d’une lecture publique par les interprète Émilie Dionne et Simon Landry-Désy, le 14 juin 2018, à la Maison Théâtre.

Extrait

Carnelle et Brouillard.

CARNELLE : J’ai pourtant marché tout droit.

BROUILLARD : Toi quand tu t’accroches, le vent peut souffler…Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Dans un endroit où jamais personne n’a jamais l’idée de venir. Qu’est-ce que tu fais là ?

CARNELLE : J’aimerais le savoir si tu savais.

BROUILLARD : Même en se perdant, on n’arrive pas ici en venant.

CARNELLE : Pourtant…

BROUILLARD : Et tu comptes y rester ?

CARNELLE : Je veux juste rentrer chez moi. Les retrouver.

BROUILLARD : Qui ?

CARNELLE : Ma famille, tous les deux. Une main chacun, j’étais entre eux.

BROUILLARD : Fille à mamanpapa. Manquait plus que ça. Bon allez viens assieds-toi.

CARNELLE : Tu sais y faire pour te faire des amis.

BROUILLARD : La causette, j’ai jamais su.

CARNELLE : J’aime pas les rugueux.

BROUILLARD : J’aime pas les gnangnans.

CARNELLE : Qu’est-ce que je t’ai fait ?

BROUILLARD : Je…j’ai des tas de trucs à faire, t’imagines pas. J’ai des amis qui vont passer. Et ce feu qui prend pas…

CARNELLE (elle se met à appeler dans le vide) : Ici, par ici.

BROUILLARD : Qu’est-ce qu’y a ?

CARNELLE : T’entends pas ?

BROUILLARD : Tu fais l’intéressante, la bizarre qui a des épouvantes, des visions des machins, quelque chose qui la hante ?

CARNELLE : Non je te jure. T’entends pas ?

BROUILLARD : La fête au loin comme quotidien.

CARNELLE : Des pas qui se rapprochent.

BROUILLARD : J’entends rien.

CARNELLE : Des pas qui galochent de plus en plus vite. Une voix qui dit…

BROUILLARD : Qui dit quoi

CARNELLE : Quelque chose de moche.

Bio

Continuant à exercer son métier de comédien (sous la direction, entre autres, de Jean-Louis Hourdin, Michel Dieuaide, Maurice Yendt, Marcel Maréchal), Michel Bellier écrit depuis plusieurs années. Si son premier métier le pousse naturellement à privilégier l’écriture dramatique, il ne néglige aucune autre forme d’écriture quand elle se veut porteuse d’histoire et chercheuse de sens. Il est plusieurs fois boursier (Centre National du Livre, Beaumarchais), accueilli en résidence (La Chartreuse-CNES, Éclats de Scène (Centre Culturel Itinérant du Nord Vaucluse), Théâtre d’O de Montpellier, Rencontres de la Haute-Romanche).

Il a écrit une quinzaine de pièces (commandes et projets personnels). Des courtes, des longues, ainsi que quelques objets théâtraux pas tout à fait identifiés, faits pour la bouche, les oreilles et le corps tout entier. Des éditées ou de simples feux d’allégresse ou de colère n’ayant vécu que dans le temps du plateau, dans le monde éphémère de la représentation.