Un requin dans ma maison – Résidence de recherche et de création de Philomène Lévesque Rainville

Avec son projet Un requin dans ma maison, Philomène Lévesque Rainville souhaitait élaborer un langage théâtral et sensoriel pour aborder les tabous touchant à la maladie mentale et explorer ses liens avec un autre grand incompris : le requin. (En résidence du 10 au 14 mars 2025)

Équipe : Liliane Boucher, Marie-Ève Trudel, Nicolas Germain-Marchand, Philomène Lévesque Rainville et Simon Labelle-Ouimet

JOURNAL
DE BORD

C’est dans l’amour et la générosité que nous nous sommes retrouvés lundi matin le 10 mars dans la cuisine du Carrousel.
Accueillis chaleureusement par toute l’équipe du Cube et du Carrousel, on a jasé, croqué des croissants accompagnés d’un fromage qui pique, bu un fleuve de café et rit fort ensemble.
Un matin aux airs de fête annonçant une semaine extraordinaire.
On a entamé notre plongée en confiance, dans un environnement bienveillant.
Une plongée où tout était permis, où les abysses peuvent prendre des airs de cabaret, où les dents de ma mère allaient pouvoir raconter des histoires.
J’avais avec moi le plus merveilleux des équipages, des artistes que j’admire et qui n’ont peur de rien, pas même du ridicule.

On a ri beaucoup, j’ai pleuré un peu. On a dansé, chanté, parlé dans un micro. Exploré la force de la marionnette, du petit, du grand. On a joué avec des objets, de la musique. On a mimé, inventé, on a réfléchi, on a médité et on a même humé.

Un immense merci à Liliane Boucher, Marie-Ève Trudel, Nicolas Germain-Marchand et Simon Labelle-Ouimet. Et un tout aussi grand merci au Cube, de nous avoir offert cet espace de recherche libre.

En mai prochain nous aurons la visite de Gilles Abel et de Karla Étienne qui sont les deux bougies d’allumage offertes avec notre résidence.
Nous allons continuer notre recherche mais cette fois dans les murs de la salle de répétition du Théâtre Bouches décousues qui nous accueille un 12h grâce à leur volet de recherche.

Je vous invite à plonger dans quelques unes de nos réflexions avec ce journal de bord.

Jour 1

Préparer la plongée

Je suis l’enfant qui avait toujours un parachute.

  

Lilianne a été la capitaine de cette semaine de recherche.

Elle a le talent, la magie de créer des situations, provoquer des rencontres insoupçonnées et laisser nager les interprètes en mer ouverte dans le plaisir tout en les encadrant.

Comme point de départ, nous avons tous apporté un objet qui nous interpellait pour le travail,

choisi une chanson et formulé un désir à explorer au cours de la semaine.

Ce fut une journée de partage.

La chanson de Karine Lagueux Quand l’automne a été porteuse d’une réflexion sur le sentiment de responsabilité de l’enfant envers son parent malade.

 

Extrait de Quand l’automne :

Le pont traverse la Richelieu

Son courant passe sans pitié

J’ai l’œil qui saute ça doit être l’âge

J’ai pu rien qu’ma vie à sauver

À sauver

Quand l’automne fait rien qu’tomber

Que l’hiver te rentre dedans

Tu fumes les miettes de ton été

Pis tu dégèles au printemps

Je dors éveillée, ça me sauve du temps

Un dernier shift pis les enfants

Qui m’sautent dins bras à l’autobus

Qui m’sautent dins bras sans parachute

Sans parachute

 

Contrairement aux enfants de la chanson je pense à l’enfant qui ressent le besoin d’avoir un parachute.

Thème de la parentification (être le parent de son parent). Le sentiment de devoir prendre soin du parent, voire même avoir l’impression d’avoir la responsabilité de le garder en vie.

 

Temps d’écriture.

 

Jour 2

Micro des mers

Le requin : Ça s’est bien passé aujourd’hui à l’école?
L’enfant : Oui…
Le requin : Et à la maison?
L’enfant : Ou oui…

 

Moment de partage afin de nourrir le travail d’improvisation et d’enrichir notre vocabulaire commun.

Le plaisir de jouer avec un micro.

Improvisation à partir de courts textes écrits la veille :

La recette pour passer une bonne fin de semaine.
La chanson du pré dodo.
Le requin pédopsychiatre.

Explorer la notion du conte et l’entrevue.
Danser autour du banquet.

Jour 3

Capitaine Costaud

Citation de Cousteau : « On protège ce qu’on aime, et on aime ce qu’on connaît. »

 

Vive les prologues!
Au micro Philomène se presente, raconte un peu son enfance et la raison de sa présence ici.
Au cœur d’une tempête, les acteurs tentent tant bien que mal de rester debout, de trouver l’équilibre, ils tentent d’atteindre le micro afin de se présenter. Mal de cœur.
Un zodiac au loin s’approche, tranquillement il arrive en avant-scène, le capitaine Costaud donne les instructions à Philomène pour plonger avec les requins.

On danse!
Danser avec des petits requins au bout des doigts.
Travail de chœur. Beaucoup de plaisir à raconter avec le mouvement.

Recherche sur les contrastes de la maladie bipolaire.

Improvisation : Capitaine Costaud parle des connexions du cerveau.

Jour 4

Le requin ballet

Flatter le requin dans le bon sens

Fabrication d’un prototype de marionnette requin.
Exploration du mouvement de cette marionnette.
Travail avec de la musique.

Improvisation d’une plongée entre l’enfant et le requin.
Se sentir outillé pour pouvoir plonger sans crainte.

Improvisation d’un exposé oral sur le requin et ses traits de caractères surprenants.

Discussion autour du parent super héros, du côté lumineux de la maladie.

Jour 5

On joue la pièce un requin dans ma maison ou les dents de ma mère

Allo maman, comment ça va?

On commence par une méditation guidée avec des algues de la Gaspésie comme paysage odorant.
Temps d’écriture.
Sur des papiers écrire les tableaux du spectacle à partir de tout ce que nous avons exploré et inventé cette semaine.
L’ordre des tableaux est établi par Philomène.
Comme la semaine a été une plongée foisonnante il y en a 26.

On enchaîne alors les 26 tableaux chronométrés par Liliane, 1 minute par tableau et 1 minute de préparation entre les tableaux.
Comme une descente en apnée nous avons filé les 26 tableaux.
Ce fut un exercice formidable pour sentir de l’intérieur, un premier mouvement d’écriture.

Nous repartons bien plein de cette grande semaine.
Et j’ai très hâte à la suite en mai.
Qui sait, il y aura peut-être du homard sur scène….

 

(Journal rédigé par Philomène Lévesque Rainville)