FLOU – Résidence de NoMásClavos

FLOU – Résidence de NoMásClavos

D’origines différentes et installées à Montréal depuis quelques années, Paola Huitrón, Inés Adán et Elisabeth Bosquet se réunissent pour créer ensemble un premier spectacle pour un public adolescent sous le collectif NoMásClavos. Leurs développements artistiques antérieurs ont des points communs ou qui se complètent ; le théâtre de marionnettes, la mise en scène, l’éducation, la philosophie, l’interprétation, le théâtre, les arts visuels comme outils de transformation ainsi que l’intérêt pour les langages scéniques hybrides sont, entre autres, des aspects qui orientent le travail du collectif. (En résidence au Cube du 31 octobre au 6 novembre 2022 et du 1er au 6 mai 2023)

JOURNAL DE BORD

Textes de Paola Huitrón, Inés Adán et Elisabeth Bosquet

31 octobre 2022

C’est le début : on fait la disposition de l’espace qui reproduit le Studio Photo qu’on avait essayé dans notre dernière résidence. Nous avons déjà un point de départ.

On parle et on se met d’accord sur la répartition de travail. Les résidences en plus de nous permettre de travailler notre projet dans le volet créatif, nous permet de regarder nos dynamiques de travail qui cherchent idéalement le travail collectif. Les résidences nous permettent d’observer, dans une pratique concrète, nos dynamiques et essayer de les améliorer en profit du collectif.

 Nous travaillons avec le dispositif de l’ombre, la contre-lumière et le texte dans le microphone.

Paul Lefevre vient pour sa bougie d’allumage (microformation) et on parle des différents appareils photo, on lui montre nos objets et il nous donne des références de personnages comme Vivian Maier.

1er novembre 2022

Nous travaillons avec l’objet pour le texte Aitor et Ado-laissant

En tant que dispositif, nous essayons : Bricolage, édition de visage, l’atmosphère de vidéoclip des années 80.

Francis Monty vient pour nous aider avec l’intégration du texte dans la recherche. Il nous donne quelques idées pour essayer de l’intégrer. C’est toujours difficile quand ce n’est pas définitif et quand les actions sont si importantes, que nous ne pouvons pas les négliger avec l’arrivée de la parole. C’est un défi d’arriver au haïku !!

2 novembre 2022

Visite de Marie-Christine Lesage pour sa bougie d’allumage. On parle de notre projet, de là où l’on veut aller et où nous en sommes avec la recherche.

Nous lui présentons deux explorations prises de notre dernière résidence CAM-TAE. Elle nous fait voir l’importance du symbole avec les souliers. Elle soulève aussi qu’on montre le passage de l’enfance à l’adolescence plutôt que l’adolescence en soi. Nous sommes certaines de vouloir faire un récit pour les ados, alors on regarde ce que nous devrons changer. Étant à la mise en scène, je suis consciente du fait que je dois encadrer le jeu, le ton dans le jeu, et que parfois par manque du temps je laisse passer des détails d’interprétation pour ne pas trop me concentrer sur ça, mais ces intentions et ces gestes demeurent comme des symboles pour le spectateur. Je trouve qu’on pourrait développer le dispositif et corriger quelque chose dans le ton de l’interprétation et de la mise en scène, plutôt que dans le texte, pour dire ce que nous cherchons à dire. J’aime le texte qui a été écrit par Elisabeth. Inés fait l’interprétation, Elisabeth manipule la lumière et l’ombre et moi je fais la mise en scène. Chaque parole, chaque geste que nous posons est un message que nous lançons dans l’environnement.

3 novembre 2022

La journée commence avec le travail de scénographie que je réalise avec Elisabeth.

Je propose de faire un changement, de passer du Studio Photo à l’espace intime du photographe, celle où il travaille et dévoile avec sa caméra obscure, tout en utilisant les mêmes éléments. Cela peut nous permettre d’envisager une production modulée qui pourrait nous permettre d’avoir différentes atmosphères avec les mêmes éléments. Je montre des dessins à Elisabeth pour lui expliquer ce que j’avais imaginé. On le fait. Inés arrive plus tard et c’est super intéressant de voir sa surprise devant le nouvel espace. Élisa et moi sommes satisfaites de ce que nous avons fait.

Les interprètes du projet suivent la microformation sur la Voix avec Gabriel Dharmoo. Il y a un ajout d’espace sonore avec la voix, il ajoute le son d’une horloge avec le texte des heures. Exploration de texte intime avec le chuchotement en essayant de faire l’ombre avec la voix. Je reste à côté pour travailler des choses techniques et éditer des vidéos. Je comprends en écoutant à Gabriel que la voix peut être aussi un costume. Je me dis que je pourrais explorer des archétypes dans la voix des filles à quelques moments.

Garbriel nous pose des questions essentielles et simples comme : D’où vient la voix dans l’espace ?

 
4 novembre 2022

Bougie d’allumage « Présence et mouvement » avec Karla Étienne. Je ne suis pas présente, mais Inés et Elisabeth ont apprécié cette microformation. Je prépare mes commentaires pour travailler avec les filles la dernière journée de la première semaine.

J’ai beaucoup apprécié comment elles ont intégré les objets et comment elles les interchangent en relation à l’appareil photo. Avant, elles avaient travaillé ensemble, mais pour la dernière journée, je décide que je vais les séparer, chacune va travailler sa propre impro avec des éléments, objets, textes et un déclencheur que je donnerai à chacune.

 

5 novembre 2022

Je trouve enfin la vibe d’Inés. Je lui donne la consigne de travailler avec la nostalgie et avec le triage. Elle improvise un exercice avec des objets et un texte. Elle travaille avec les objets et je peux ressentir comment elle est tirée par l’absence, une nostalgie du temps passé, mais aussi une nostalgie de son enfant. Elle fait un mélange improbable d’objets et je trouve cela intéressant.

Elisabeth fait une improvisation sans mots, elle prend des objets. Nous avons créé une autre atmosphère pour elle : il y a des vêtements, des lumières, une chaise et un microphone et elle est éclairée de côté. Elisabeth improvise avec un masque et une marionnette. J’ajoute au déclencheur la musique des quatre sessions de Vivaldi qu’elle arrive à suivre et à intégrer, le haïku se fait un petit instant.

On fait le démontage et on oublie des objets : peut-être qu’on ne voudrait pas partir…

 

« Pour cette première semaine de résidence, mes objectifs étaient principalement centrés sur les explorations à tester à partir de textes que nous avions fournis en vue de faire évoluer la dramaturgie du spectacle. Ne sachant pas du tout à quoi allaient ressembler nos bougies, je pense que je les avais tout simplement laissées de côté dans un coin de ma tête. Or, ce sont elles, ces capsules dorées, qui ont le plus clairement allumé mon esprit durant toute la semaine. La rencontre avec chaque intervenant·e est venue soit révéler quelque chose ou éclaircir un point dans notre processus qui semblait être clair, mais ne l’était visiblement pas !
Ces parenthèses lumineuses ont été pour moi un ingrédient surprise supplémentaire ajouté à notre potion magique. Car nous avons également eu le temps d’explorer, comme souhaité, avec la valeur ajoutée de nos diverses rencontres en filigrane.
Que demander de plus ? Si ce n’est de poursuivre l’aventure en continuant à alimenter le feu sacré de notre « Flou » pour l’aider à se révéler. »
(Elisabeth)
« Pour cette semaine de création dans le cube, un de mes objectifs les plus importants était de créer des scènes capsules à partir des textes écrits. Nous avons obtenu une grande quantité de matériel créatif qui nous permettra d’avancer dans notre projet. Les textes, loin d’être épuisés, permettent de nombreuses explorations et exercices supplémentaires. Malgré la difficulté que les objets ont pu créer à certains moments cette semaine, je crois que la réflexion et les blocages sont nécessaires pour avancer. Les réflexions partagées avec Francis nous aident à comprendre pourquoi certains aspects fonctionnent et d’autres non. Je me suis sentie très contente d’avoir eu les Bougies d’allumage. Je pense qu’ils ont contribué à focaliser et nourrir le projet et notre processus quotidien sous des angles différents et très précieux. »
(Inés)
 

1er mai 2023

On reprend après quelques mois de réflexion et à essayer d’avoir des bourses pour continuer notre projet. On fait le montage et on parle du processus que nous allons suivre cette semaine. À la différence de nos autres recherches, nous allons nous concentrer sur trois capsules dramaturgiques seulement. À notre avis, ces capsules sont plus avancées dans la réflexion et pourront être précisées plus facilement. On décide de commencer à travailler avec l’objet. On explore des chorégraphies avec les appareils photo qui se ressemblent, en type de caméra ou par époque, et avec de la musique.

2 mai 2023

On continue le travail de chorégraphie avec les appareils. On trouve comment bien placer les objets dans l’espace. Je décide de ne pas enregistrer, ne pas prendre des photos et ne pas jouer la musique, mais seulement dire *musique* pendant que les interprètes travaillent la chorégraphie pour être capable de me concentrer sur la mise en scène qui est souvent négligée à cause des tâches techniques que je dois gérer aussi. Je me sens mieux comme ça et je vois que la scène avance. Elisabeth et Inés quittent plus tôt et je rencontre Julie Drouin pour la Bougie d’allumage « Explicitation ». Nous travaillons avec une situation en relation au montage. Le jour après nous allons commencer à travailler sur une scène que j’ai la difficulté à expliquer aux filles. Nous travaillons pendant une heure et demie et je vois comment communiquer avec plus de clarté et d’avantage, et aussi comment aider les autres à comprendre mes intentions. Je trouve cette bougie et ce type de travail vraiment pertinents dans le travail subjectif qu’est la création avec l’objet et l’image.

3 mai 2023

Le travail commence avec Elisabeth et Paola qui arrivent plus tôt pour faire le changement de décor, question de commencer le travail de l’autre scène. Nous avons fini pour le moment de tracer les chorégraphies avec les appareils et nous allons commencer une scène qu’on appelle « Édition ». Elisabeth et moi changeons l’espace en fonction de mes dessins et croquis. On essaie un système de poulies qui ne fonctionne pas encore bien. Je suis déçue, mais je lâche prise. Nous sommes satisfaites à la fin de ce que nous avons fait malgré les ressources limitées. Quand Inés arrive, nous parlons du sens de la scène, du ton, de l’atmosphère, je dis avec plus de précisions que je cherche un esprit clown et que je ne veux pas traiter l’Édition du visage comme un sujet lourd, mais plutôt mettre une loupe sur les possibilités inventives de l’Être humain. Nous allons dire le texte de l’histoire de la photographie, on l’enregistre pour qu’elles puissent être concentrées sur les actions. Je me concentre à résoudre les choses techniques et je donne l’espace aux filles pour trouver leurs trajectoires naturelles, en fonction de ce que nous avons comme canevas. On se donne comme devoir de lire le texte et de trouver des coupures et la meilleure façon de le dire, à deux ou une seule personne ? Ce jour-là on reçoit un message pour nous annoncer que les adolescentes de la Maison des jeunes ne viendront pas à la sortie de résidence. On décide de faire quand même la sortie et d’inviter des personnes pour nous accompagner.

4 mai 2023

On travaille toutes le trois depuis le début. Quand Louise Lapointe arrive, nous lui présentons les scènes que nous avons et dans l’état qu’elles sont à ce moment-là. L’Accident. Les Appareils photo. L’Édition.

Elle nous pose des questions et nous dit ce qu’elle arrive à comprendre sans qu’on lui explique. Nous voulons savoir le message que communique notre travail pour savoir si les symboles fonctionnent. Certaines choses sont claires et d’autres non. Louise nous pose des questions. C’est riche comme rencontre, car elle devient notre première spectatrice. Elisabeth quitte plus tôt et Inès et moi décidons de rester pour travailler comme prévu. Je trouve que c’était très important ce moment où nous travaillons ensemble, Inés et moi. La scène d’Édition avait besoin d’être répétée et c’est très important de se donner cette espace pour que l’interprète arrive à se sentir à l’aise dans l’espace et avec les séquences qu’on doit suivre. Cela donne une sécurité et c’est plus facile aussi pour la mise en scène d’accompagner et d’aider à préciser les symboles gestuels et les intentions.

5 mai 2023

Nous avons changé des choses. Pour la scène de l’Accident nous avons enlevé la place que prennent les interprètes pour laisser les objets au premier plan. J’ajoute un écran à côté pour projeter des photos pendant la scène de présentations des appareils photo.

Répétitions avec Louise Lapointe.

Présentation à un petit groupe d’invités.

On reçoit des rétroactions intéressantes. Nous sommes satisfaites d’avoir bien traversé cette période de recherche et de conclusion.

6 mai 2023

Démontage d’Inés et Paola. On parle de toutes les choses positives que nous avons parcourues et de la richesse de notre expérience au Cube depuis la première fois.

« Personnellement, je garde comme apprentissage de cette dernière résidence qu’il est impossible de ne pas communiquer. Nous pouvons le faire mal, mais nous communiquons de toute façon. »
(Paola)

 

« Pendant cette dernière semaine de résidence au Cube, nous avons approfondi notre dramaturgie de plateau. Nous avons travaillé sur deux de nos capsules et nous avons même commencé à réfléchir à la dramaturgie et à la mise en place d’une troisième. Pour un projet de recherche-création comme le nôtre, qui combine une variété de langages scéniques et plusieurs thématiques, il est important d’avoir réussi à donner forme et à concrétiser nos idées. Cette réussite est sans doute le fruit d’un processus de recherche très approfondi qui a débuté également au Cube en 2019-2020.
Cette résidence clôture un cycle de recherche (même s’il y a toujours des questions et des réponses à trouver), mais c’est aussi le début d’une possible forme plus claire et concrète. Dans mes réflexions, je vois plusieurs possibilités dramaturgiques (capsules indépendantes, dramaturgie fragmentée… etc.), des différentes dispositions spatiales, spectacle-public et même des possibilités de formes finales artistiques hybrides (performance immersive, installation, projection…) qui me font penser au-delà du théâtre.
Par rapport au travail d’interprétation, je me suis beaucoup amusée à travailler avec des masques partiels sur le visage et à réfléchir à ce que cela pourrait offrir si l’on décide d’aller vers un développement des personnages, de leurs relations ou de leurs enjeux. Le travail de manipulation (avec un travail de personnage neutre) a également été très enrichissant.
Merci beaucoup, Le Cube, de nous avoir donné l’opportunité de travailler dans notre recherche et pour votre accompagnement. Merci Le Clou de nous avoir accueillies chez vous. Un grand merci à Paul Lefebvre, Marianne Lavoie, Manon Claveau, Karla Etienne, Marie-Christine Lesage et Gabriel Dharmoo pour les Bougies d’allumage. Merci à Louise Lapointe pour l’accompagnement. Quelle belle chance d’avoir partagé avec vous tous ! Longue vie au Cube ! »
(Inés)

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