H¡T! – RÉSIDENCE DE JULIEN BEAUSEIGLE & THÉÂTRE I.N.K.

H¡T! – RÉSIDENCE DE JULIEN BEAUSEIGLE & THÉÂTRE I.N.K.

Suite à une lecture augmentée de projections et de performances live au festival Jamais Lu, le projet cherche à passer de la mise en lecture à la mise en espace tout en poursuivant ses explorations interdisciplinaires. C’est alors que la compagnie Théâtre I.N.K. s’intéresse au texte de Julien Beauseigle et décide de sauter dans l’aventure. D’abord prévue en juin, la résidence est repoussée à août 2023. Dirigés par Marilyn Perreault, les artistes explore la mise en espace de cet opéra hip-hop internet pour ados.

JOURNAL DE BORD

(Texte de Marilyn Perreault)

La résidence de création réalisée au Théâtre Le Clou par le biais du Cube a permis à Théâtre I.N.K. de travailler sur une future production qui nous est chère : H¡T! de Julien Beauseigle.

Nous avons été sur place du 21 au 31 août 2023 et avons travaillé en répétitions durant 34 heures avec les deux interprètes et la vidéaste, et ce, à partir d’un prototype scénographique qui nous offrait de nombreuses surfaces de projection. 14 heures ont été dévolues à des réflexions vidéographiques en lien avec le décor impliquant seulement la vidéaste et la metteure en scène. Une présentation a eu lieu le 31 août à 14 h devant des membres de l’équipe du Cube et de H¡T!, ainsi que quelques représentant. e. s de diffuseurs spécialisés en théâtre jeune public.

Pour bien comprendre ce que nous y avons cherché, il est bien de se repencher d’abord sur le résumé de la pièce : Cody, 16 ans, refuse de devenir médecin comme son père le voudrait et veut faire de la musique. Parcourant les réseaux sociaux, elle tombe sur le profil de Félix, un rappeur du même âge qu’elle qui cherche à se créer une autre identité online pour échapper à la cyberintimidation. Après quelques échanges, il.elle décident de collaborer. Cody à la musique et Félix à l’écriture, le duo a rapidement du succès. Alors que Cody a soif de vérité, Félix lui s’enfonce dans le vedettariat jusqu’à changer complètement de personnalité, ce qui les amènera à s’éloigner l’un·e de l’autre.

Dans cette pièce, le langage vidéo est intimement lié au texte dit par les interprètes, donc pour la résidence, nous avons souhaité commencer à creuser cet aspect : de quelle manière pouvons-nous intégrer la matière écrite (commentaires, textos, courriels, etc.) dans la scénographie et dans le jeu des comédien·ne·s.

Nous voulions aussi commencer à tester et trouver plusieurs configurations d’espace à partir d’un prototype de décor proposé par la conceptrice, Nadine Jaafar. Celle-ci a également proposé que les personnages vivent d’abord dans des univers séparés, que ces univers se rejoignent et qu’ensuite, ils se reséparent. Pour y parvenir, elle nous a donné plusieurs éléments scénographiques à partir desquels nous avons cherché :

  • deux surfaces de murs blancs faits de multiples carreaux modulables montés sur des pieds de micros
  • deux surfaces de plexiglas sur roulettes dont les dimensions peuvent ressembler à des iPhones

L’hypothèse de départ de la metteure en scène était la suivante : les deux petits murs blancs, d’abord séparés et devant lesquels se trouvent les plexiglas sur roulettes, forment ensuite un grand mur quand les deux personnages se retrouvent enfin ensemble pour vrai après 51 pages de texte. Entre les deux, ces murs se déconstruisent, se déforment et se reforment de scène en scène. Et plus les murs se déconstruisent, plus apparaissent partout des pieds de micros, comme une forêt.

Pour le décor, un constat est arrivé très vite : il faudra une structure un peu plus solide que des pieds de micros pour soutenir les carreaux blancs qui forment les murs parce qu’il s’agit d’un procédé qui rend les carreaux trop instables et imprévisibles pour la précision du mapping vidéo que l’on souhaite avoir. Par contre, l’accumulation de pieds de micros, l’équipe adore ça, donc il faudra voir si les pieds de micros « semblent » tenir les carreaux plutôt que de les soutenir pour vrai.

Pour les plexiglas sur roulettes, nous avons testé quelques matières pour qu’ils soient tantôt transparents, tantôt givrés puis recouverts de tissus translucides. Nous aimons qu’ils puissent avoir différents types de transparence tout au long du spectacle parce que chaque matière ne réagit pas de la même manière avec la projection vidéo, mais nous n’avons pas encore trouvé le modus operandi pour avoir différentes surfaces au fil des représentations.

Outre le décor, l’aspect majeur que nous avons travaillé durant cette résidence, c’est la vidéo. Nous avons creusé autant sa signification, son omniprésence dans l’univers des deux jeunes que la technique qui y est rattachée. Voici un inventaire de ce que nous avons cherché :

  • Comment les commentaires d’un FB live peuvent envahir ou polluer une image vidéo comme, par exemple, un vidéoclip ou une performance faite en live stream ?
  • Comment des commentaires peuvent se retrouver dans chaque aspect de nos vies (exemple : la phrase « j’t’attent apre lecole » visible dans chaque racoin de la maison et de l’école de Félix) ?
  • Comment montrer que ce qu’il y a dans notre téléphone intelligent prend toute la place dans notre vie (exemple : le personnage « s’efface » derrière un iPhone grand format et apparaît diaphane derrière les applications en effet de transparence sur le plexiglas) ?
  • Peut-on utiliser un seul projecteur pour créer ce spectacle ?
  • Comment réagit le mapping si, dans l’entièreté de la pièce, nous avons plusieurs plans de surfaces de projection (avant-scène, mi-scène et arrière-scène) ?
  • Comment on organise le Qlab pour rester réactif·ive·s à ce qui se passe sur scène tout en étant précis·e·s ?
  • Est-ce qu’on fait de la vidéo live ou si nous préenregistrions les vidéoclips ?
  • Est-ce que si le décor est envahi d’un mode d’emploi en mouvement de scroll, est-ce qu’on comprend que c’est le personnage qui est en train de le faire sur l’ordinateur ?
  • De quelle manière les personnages sont-ils conscients des phrases de notifications et comment ils jouent avec : les enlèvent du revers de la main, les poussent difficilement vers le bas, apparaissent derrière la photo de profil de l’autre, se font pousser par une notification qui arrive de manière impromptue, etc.
  • S’ils écrivent un courriel à l’ordinateur ou un texto sur un iPhone, quelles surfaces prenons-nous pour projeter, est-ce que les formats paysage et portrait sont importants dans la compréhension du support ?
  • S’il manque des carreaux de projection sur une surface et qu’on projette un visage en gros plan dessus, est-ce qu’on a une impression de déconstruction du personnage ou si ça a juste l’air d’une erreur ?

Nous avons pu faire un dessin de 11 scènes sur 23.

Cette résidence était également l’occasion pour les conceptrices des éclairages et du son d’avoir accès à de premières images d’inspiration scénographique pour commencer leur travail de réflexion sur leurs conceptions.

Nous n’avons malheureusement pas eu le temps d’explorer l’intégration de personnages plutôt anonymes comme le grand frère et ses amis. Nous souhaitions vérifier si l’on pouvait les avoir en vidéo réaliste, mais qu’on ne voit que des parties de leur corps (exemple : le torse et les mains) qui prennent une place démesurée sur les surfaces de projection.

Parmi les configurations d’espace qu’on n’a pas pu tester, il y a la cuisine et la piscine intérieure de Félix ainsi que le salon de la famille de Cody. Nous souhaitions les faire qu’avec les carreaux blancs qui forment les murs. Ce sera donc pour une autre résidence.


 

Nous vous laissons ici la liste des crédits de ce spectacle :

Texte : Julien Beauseigle

Mise en scène : Marilyn Perreault

Interprètes : Arielle Mailloux et Antoine Nicolas

Scénographe : Nadine Jaafar

Conceptrice vidéo : Joannie Vignola

Conceptrice sonore : Annie Préfontaine

Conceptrice des éclairages : Flavie Lemée

Directrice de production : Myriam Poirier Dumaine

Directeur technique : Nicolas Jalbert

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